La question du nucléaire(partie 1).
Voilà bien un sujet propre à enflammer les passions...
Le nucléaire est, pour l'écologie politique une mobilisation fondatrice. Je me souviens, qu'à la fin des années 70 et au début des années 80, un écolo, c'était d'abord et avant tout un anti-nucléaire. Toutefois, avec les années, le débat s'était estompé. Même l'accident de Tchernobyl ne l'avait pas vraiment relancé, la catastrophe avait finalement été plus attribuée à la faillite du système soviétique plutôt qu'aux risques représentés par cette source d'énergie. En France, c'est sans doute la règle du fait accompli qui a fait s'éteindre peu à peu la polémique: plus des trois quarts de notre électricité étant nucléaire, il n'y avait plus de centrales à construire, donc plus de manifestations et de contestation. Ailleurs, l'abandon partiel ou total des programmes a contribué à calmer les esprits.
La question a été relancée ces dernières années. La nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, l'accroissement des besoins énergétiques dans le monde, les risques de pénuries de carburants fossiles et la fin de cycle d'un certain nombre de centrales, concourrent à redonner vie aux projets nucléaires. Le débat a par conséquence repris vigueur, mais un élément nouveau est apparu. La problématique du réchauffement climatique a totalement brouillé les clivages, et on trouve aujourd'hui des défenseurs de l'environnement prendre clairement position en faveur de l'atome. Le cas le plus emblématique est celui de James Lovelock célèbre pour être l'auteur de "l'hypothèse Gaïa" selon laquelle la terre dans son ensemble serait un être vivant.(soit dit en passant, Lovelock qui est une bête noire des anti-environnementalistes, pourfendeurs de "l'idéologie Gaïa", ressemble assez peu à sa caricature) Ces nouveaux clivages ont un mérite: obliger les opposants à affuter leurs arguments, ce qui permet de sortir un peu des slogans idiots qu'on a connu comme "société nucléaire-société policière" ou bien "le nucléaire, c'est le progrès".
Aujourd'hui, je vais m'intéresser au discours des opposants tel le réseau "sortir du nucléaire". Celui-ci conjointement avec d'autres organisations publie un petit dossier(pdf) cherchant à démonter l'idée qu'il y aurait dans cette énergie une réponse à la crise climatique. Il faut dire d'emblée les choses telles que je les pense: cette brochure présente pas mal d' arguments douteux. Le premier point avancé est que le nucléaire ne peut rien contre les émissions de gaz à effet de serre issues de l'agriculture, des transports ou de l'industries. C'est franchement hors-sujet: si on veut aller par là, vu qu'il n'y a pas une solution qui serait "la réponse" au problème climatique, tout remède doit être disqualifié! C'est d'autant plus ridicule que les énergies renouvelables tombent exactement sous la même critique. Par ailleurs, un certain nombre de besoins non pourvus par l'électricité aujourd'hui, peuvent l'être demain(qu'on songe simplement aux transports en commun).
Une autre idée défendue est que de l'émission de CO2 engendrée par l'exploitation, le transport, le traitement, de l'uranium et des déchets rendrait le nucléaire peu efficace dans ce domaine. On donne comme référence des articles scientifiques d'un dénommé "Storm Van Leewen". Le problème, c'est que cette référence est inconnue de google scholar...En cherchant un peu, on trouve un article de 2005 de "Storm van Leeuwen" sur un sujet connexe et un des deux articles citées par le dossier datant de 1985, mais les auteurs du dossier se sont trompé sur le titre... Bref, il y a de quoi avoir des doutes sur le serieux des données en question. Pourtant, on consent à dire que :
"Au total, le bilan carbone intrinsèque du nucléaire n’a rien d’insignifiant, et peut même atteindre le tiers du carbone attribuable à une centrale au gaz"
Que compare-t-on? Le bilan carbone d'une centrale nucléaire et celui d'une centrale au gaz? Si c'est la cas, cela paraît peu pertinent, il faudrait mieux mettre en balance le Kwh gaz du Kwh nucléaire. Mais même en admettant ce cas, force est de constater le net avantage de l'atome sur le moins polluant des carburants fossiles en gaz à effets de serre, puisque la valeur 1/3 est indiquée comme un maximum. Bref, tout ceci est peu convaincant.
Là où cela devient énervant, c'est lorsqu'on affirme:
"L’autre grande source d’émissions de GES du nucléaire, ce sont les installations complémentaires destinées à fonctionner aux heures de pointe ou lorsque les centrales nucléaires sont à l’arrêt, souvent en été. En France, les pointes sont assurées par des importations d’électricité et par des centrales thermiques à vapeur fonctionnant au fioul lourd et au charbon."
Premièrement, les ajustements sont largement le fait des barrages français, et dans un second temps, si nos voisins utilisent des centrales thermiques, ce n'est pas la faute du nucléaire français! Cet inconvénient est d'autant plus douteux qu'il n'est absolument pas évoqué lorsqu'on fait la comparaison avec le solaire ou l'éolien qui ont pourtant bien plus besoin d'un complément, vu que le soleil et le vent ne sont pas disponibles en permanence.
A la faiblesse de ces arguments vient se rajouter l'incohérence lorsque, dans un premier temps on explique que le nucléaire freine les économies d'énergies, et que plus loin on nous déclare que ces mêmes économies d'énergie, plutôt que le programme nucléaire, expliquent en grande partie la diminution des émissions de gaz à effet de serre en France...Bien sûr, on ne trouve pas la moindre comparaison des émissions de CO2 de la France et de pays en pointe dans les énergies renouvelables tel l'Allemagne., cela serait en mesure de réfuter tous ces beaux discours.
Passons sur les autres détails, il me semble assez clair que plutôt qu'une critique pertinente, on a plutôt affaire à une charge irrationnelle ,accablant le nucléaire de tous les maux.
Malgré tout, je retiendrais deux arguments valables là-dedans.
En premier lieu, la question des limites des réserves d'uranium. Comme on le verra dans mon prochain texte, ce point est tout à fait reconnu par les partisans, qui comptent sur le développement de réacteurs de quatrième génération pour résoudre le problème. Toutefois,et je reviendrais sur cette question, il me semble un peu hasardeux de considérer comme acquise une technologie qui n'existe pas encore.
Second point juste à mon avis, le risque de prolifération. L'Inde aurait dit-on acquis la bombe grâce au plutonium produit par un réacteur canadien(source), on s'inquiète pas mal du cas iranien(mais pas, et c'est assez lamentable de la Lybie dont le dirigeant serait devenu tout d'un coup fréquentable..)
Bon voilà pour cet argumentaire présenté par les "antis". Avant de donner ma conclusion, je m'attaquerais à une défense écrite par un "pro", mais ce sera pour un prochain billet.
Le nucléaire est, pour l'écologie politique une mobilisation fondatrice. Je me souviens, qu'à la fin des années 70 et au début des années 80, un écolo, c'était d'abord et avant tout un anti-nucléaire. Toutefois, avec les années, le débat s'était estompé. Même l'accident de Tchernobyl ne l'avait pas vraiment relancé, la catastrophe avait finalement été plus attribuée à la faillite du système soviétique plutôt qu'aux risques représentés par cette source d'énergie. En France, c'est sans doute la règle du fait accompli qui a fait s'éteindre peu à peu la polémique: plus des trois quarts de notre électricité étant nucléaire, il n'y avait plus de centrales à construire, donc plus de manifestations et de contestation. Ailleurs, l'abandon partiel ou total des programmes a contribué à calmer les esprits.
La question a été relancée ces dernières années. La nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, l'accroissement des besoins énergétiques dans le monde, les risques de pénuries de carburants fossiles et la fin de cycle d'un certain nombre de centrales, concourrent à redonner vie aux projets nucléaires. Le débat a par conséquence repris vigueur, mais un élément nouveau est apparu. La problématique du réchauffement climatique a totalement brouillé les clivages, et on trouve aujourd'hui des défenseurs de l'environnement prendre clairement position en faveur de l'atome. Le cas le plus emblématique est celui de James Lovelock célèbre pour être l'auteur de "l'hypothèse Gaïa" selon laquelle la terre dans son ensemble serait un être vivant.(soit dit en passant, Lovelock qui est une bête noire des anti-environnementalistes, pourfendeurs de "l'idéologie Gaïa", ressemble assez peu à sa caricature) Ces nouveaux clivages ont un mérite: obliger les opposants à affuter leurs arguments, ce qui permet de sortir un peu des slogans idiots qu'on a connu comme "société nucléaire-société policière" ou bien "le nucléaire, c'est le progrès".
Aujourd'hui, je vais m'intéresser au discours des opposants tel le réseau "sortir du nucléaire". Celui-ci conjointement avec d'autres organisations publie un petit dossier(pdf) cherchant à démonter l'idée qu'il y aurait dans cette énergie une réponse à la crise climatique. Il faut dire d'emblée les choses telles que je les pense: cette brochure présente pas mal d' arguments douteux. Le premier point avancé est que le nucléaire ne peut rien contre les émissions de gaz à effet de serre issues de l'agriculture, des transports ou de l'industries. C'est franchement hors-sujet: si on veut aller par là, vu qu'il n'y a pas une solution qui serait "la réponse" au problème climatique, tout remède doit être disqualifié! C'est d'autant plus ridicule que les énergies renouvelables tombent exactement sous la même critique. Par ailleurs, un certain nombre de besoins non pourvus par l'électricité aujourd'hui, peuvent l'être demain(qu'on songe simplement aux transports en commun).
Une autre idée défendue est que de l'émission de CO2 engendrée par l'exploitation, le transport, le traitement, de l'uranium et des déchets rendrait le nucléaire peu efficace dans ce domaine. On donne comme référence des articles scientifiques d'un dénommé "Storm Van Leewen". Le problème, c'est que cette référence est inconnue de google scholar...En cherchant un peu, on trouve un article de 2005 de "Storm van Leeuwen" sur un sujet connexe et un des deux articles citées par le dossier datant de 1985, mais les auteurs du dossier se sont trompé sur le titre... Bref, il y a de quoi avoir des doutes sur le serieux des données en question. Pourtant, on consent à dire que :
"Au total, le bilan carbone intrinsèque du nucléaire n’a rien d’insignifiant, et peut même atteindre le tiers du carbone attribuable à une centrale au gaz"
Que compare-t-on? Le bilan carbone d'une centrale nucléaire et celui d'une centrale au gaz? Si c'est la cas, cela paraît peu pertinent, il faudrait mieux mettre en balance le Kwh gaz du Kwh nucléaire. Mais même en admettant ce cas, force est de constater le net avantage de l'atome sur le moins polluant des carburants fossiles en gaz à effets de serre, puisque la valeur 1/3 est indiquée comme un maximum. Bref, tout ceci est peu convaincant.
Là où cela devient énervant, c'est lorsqu'on affirme:
"L’autre grande source d’émissions de GES du nucléaire, ce sont les installations complémentaires destinées à fonctionner aux heures de pointe ou lorsque les centrales nucléaires sont à l’arrêt, souvent en été. En France, les pointes sont assurées par des importations d’électricité et par des centrales thermiques à vapeur fonctionnant au fioul lourd et au charbon."
Premièrement, les ajustements sont largement le fait des barrages français, et dans un second temps, si nos voisins utilisent des centrales thermiques, ce n'est pas la faute du nucléaire français! Cet inconvénient est d'autant plus douteux qu'il n'est absolument pas évoqué lorsqu'on fait la comparaison avec le solaire ou l'éolien qui ont pourtant bien plus besoin d'un complément, vu que le soleil et le vent ne sont pas disponibles en permanence.
A la faiblesse de ces arguments vient se rajouter l'incohérence lorsque, dans un premier temps on explique que le nucléaire freine les économies d'énergies, et que plus loin on nous déclare que ces mêmes économies d'énergie, plutôt que le programme nucléaire, expliquent en grande partie la diminution des émissions de gaz à effet de serre en France...Bien sûr, on ne trouve pas la moindre comparaison des émissions de CO2 de la France et de pays en pointe dans les énergies renouvelables tel l'Allemagne., cela serait en mesure de réfuter tous ces beaux discours.
Passons sur les autres détails, il me semble assez clair que plutôt qu'une critique pertinente, on a plutôt affaire à une charge irrationnelle ,accablant le nucléaire de tous les maux.
Malgré tout, je retiendrais deux arguments valables là-dedans.
En premier lieu, la question des limites des réserves d'uranium. Comme on le verra dans mon prochain texte, ce point est tout à fait reconnu par les partisans, qui comptent sur le développement de réacteurs de quatrième génération pour résoudre le problème. Toutefois,et je reviendrais sur cette question, il me semble un peu hasardeux de considérer comme acquise une technologie qui n'existe pas encore.
Second point juste à mon avis, le risque de prolifération. L'Inde aurait dit-on acquis la bombe grâce au plutonium produit par un réacteur canadien(source), on s'inquiète pas mal du cas iranien(mais pas, et c'est assez lamentable de la Lybie dont le dirigeant serait devenu tout d'un coup fréquentable..)
Bon voilà pour cet argumentaire présenté par les "antis". Avant de donner ma conclusion, je m'attaquerais à une défense écrite par un "pro", mais ce sera pour un prochain billet.