La théorie du complot.
Entendons-nous bien, les fantasmes conspirationnistes, cela existe, j'en ai donné moi-même un exemple avec la pseudo-affaire des "chemtrails". De façon plus amusante, une partie du monde journalistique a découvert récemment la façon dont certains esprits s'échauffaient autour des attentats du 11 Septembre, lorsqu'a été exhumée une interview dans laquelle notre nouvelle "gloire" nationale, Marion Cotillard, affirmait croire que l'administration Bush avait tout organisé. Il est assez drôle de voir la surprise dont l'hebdomadaire Marianne a fait preuve lorsque son site a été submergé de messages écrits par des internautes partageant les convictions de l'actrice. Quiconque navigue un tant soit peu sur sur les forums virtuels y a rencontré ces gens adeptes du mouvement "reopen 9/11". Sur la toile, ce genre d'idée circule et trouve une formidable caisse de résonance. Dans un genre voisin, on y trouve nombre de thèses autour d'organisations, réelles ou fictives, qui dirigeraient secètement le monde telles par exemple "les illuminati" ou le "groupe bilderberg".
L'attitude des grand médias est parfois assez lamentable vis à vis de ces théories, en les stigmatisant sans les démonter. Le cas le plus caricatural dans le genre, c'est celui de le programme d'arte de 2004: "De quoi j’me mêle : Tous manipulés ?" . On y parlait, entres autres, des allégations de Thierry Meyssan sur l'attentat du Pentagone. Ce qui y était frappant, c'est qu'aucun argument factuel n'était apporté contre les assertions des conspirationnistes. Pourtant, celles-ci ont été analysées en détail et réfutées: par exemple ici ou là. Au lieu de procéder à cette investigation critique, on s'y livrait à une généralisation douteuse sur la "théorie du complot" en amalgamant le mouvement contre la guerre en Irak aux pires délires sur le 11 Septembre . C'est ce genre d'attitude que je dénonçais en introduction.
Il y a chez certains un refus de considérer toute forme d'influence de lobbys. Pourtant, dans le simple domaine de la science et de l'environnement, on trouve des exemples avérés et incontestables de leur action afin d'empêcher les connaissances acquises de peser sur les politiques publiques. Trois cas sont particulièrement éloquents:
-Le premier est celui de l'amiante. Il est aujourd'hui de notoriété publique que les risques étaient conus depuis longtemps et que comme l'indique le rapport du sénat:
Dans l'affaire de l'amiante, l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), association de type « loi de 1901 » créée en 1947, a indéniablement joué un rôle ambigu, dont sa composition paritaire (salariés et employeurs) est en partie à l'origine.
Tiraillé entre sa mission de recherche en matière de sécurité au travail et son souci du consensus, il apparaît que l'INRS n'a pas toujours adopté des positions aussi impartiales qu'il le dit, comme l'a d'ailleurs rappelé, au cours de son audition, M. Marcel Royez, secrétaire général de l'Association des accidentés de la vie (FNATH), pour qui l'INRS « est loin d'être indépendant. Il est géré paritairement et a été présidé pendant des décennies par les employeurs. Or un certain nombre de ses chercheurs qui ont eu l'outrecuidance non seulement de chercher, mais aussi de trouver et de vouloir publier ont été sanctionnés. Il faut absolument mettre la recherche et l'expertise en santé au travail à l'abri de telles influences »."
-Le second est celui de l'affaire du tabagisme passif et l'action des compagnies des cigarettiers afin de discréditer les recherches sur le sujet ou bien de financer des travaux "scientifiques" allant dans leur sens. Un rapport de l'OMS relate en détail les stratégies utilisées.
-Le troisième concerne la façon dont certains groupes ont cherché à jeter le doute sur les travaux des climatologues et sur les raports du GIEC comme en témoigne, par exemple, la lettre par laquelle la Royal society demande à la compagnie Exxon de cesser de financer les lobbys remettant en cause la réalité du réchauffement climatique.
Mardi dernier, Arte diffusait un reportage particulièrement critique autour de la firme Monsanto. Il y est bien entendu question des OGM, mais pas seulement. Le document n'est pas à l'épreuve de tout reproche, en particulier, il y a clairement une tendance à ne prendre que les éléments à charge, à considérer que toute personne qui parle contre Monsanto a nécessairement raison, et à estimer que toute critique contre ces personnes est une manoeuvre de dénigrement téléguidée. Ajouté à cela, la méthode d'enquête utilisée et mise en scène, la recherche sur la toile de documents, contribue à jeter le trouble. Il est clair, qu'avec ces défauts, il serait facile de rejeter le film d'un revers de la main, en considérant qu'il donne dans la "théorie du complot", même s'il flirte avec celle-ci. Au delà de quelques éléments douteux, il pose le problème du rapport de la science des intérêts privées, et des différentes agences administratives chargées de controler l'inocuité ou le caractère sans danger de tout nouveau produit sur le marché. A cette question fondamentale, la réponse ne saurait être la diabolisation de toute innovation, mais pas davantage, la défense d'une science par nature neutre et incorruptible.