Suis-je décroissant?

Publié le par Beurk

A l'heure où le monde économique se demande si la crise financière va déboucher sur une récession, soit une contraction du PIB, un certain nombre de gens militent pour une dimunition délibérée de ce même PIB, ce sont les partisans de la décroissance.
Ils affirment qu'une croissance infinie n'est pas possible dans un monde fini, que la préservation de l'environnement exige une réduction des activités humaines, prônent la simplicité volontaire.

Ils ont leurs détracteurs, en particulier chez les économistes, qui n'ont généralement pas de mots assez durs pour stigmatiser  ces "utopistes" et dénoncer leur "malthusianisme". Les "libéraux" sont souvent les plus virulents, prétendant s'appuyer sur des prédictions pessimistes passées non réalisées pour nier tout problème écologique. D'autres, plus modérés expliquent qu'il y a une dématérialisation de la croissance, qu'à partir d'un certain niveau la pollution se met à décroître pendant que le PIB augmente. Tous utilisent des analogies rassurantes, expliquant que le progrès a permis de sauver les forêts d'Europe en remplaçant le bois par le charbon, ou  disant que grâce aux automobiles, on a évité aux grandes capitales d'être ensevelies sous le crotin de cheval. Certains expliquent que la décroissance est une lubie de riches qui nourrissent le désir plus ou moins conscient d'empêcher les pays pauvres de se développer.

La plupart de ces arguments ne tient pas la route. Une bonne partie des  prédictions pessimistes prétendument démenties par les faits ne l'ont tout simplement pas été. De toute façon, ce n'est pas parce que, par exemple, des gens ont prédit la fin du pétrole trop tôt que celui-ci durera éternellement.  Lorsqu'un certain nombre de régions du monde voient leur production diminuer, il n'est pas absurde d'envisager qu'à plus ou moins brève échéance, ce déclin ne soit global. La dématérialisation de l'économie et la baisse de certaines pollutions ne font rien aux dommages irréversibles, ni aux effets cumulatifs(comme les gaz à effet de serre), et  sont dues pour une bonne part aux délocalisations qui ont permis de nous débarasser d'industries sales. Quant aux analogies, elles négligent l'étendue et la variété des problèmes auxquels nous sommes confrontés sans commune mesuresavec ceux qu'ont connu nos prédecesseurs. Enfin, on peut rétorquer à ceux qui s'intéressent au sort des populations des pays pauvres que l'accession de celles-ci à un niveau de vie convenable n'est possible de façon durable que si les pays développées cessent de dilapider les richesses de la planète.
Bref, le discours décroissant est souvent balayé d'un revers de la main, mais ne le mérite pas.

Malgré tout, j'ai de la peine avec quelques aspects de ce mouvement. En premier lieu, il est souvent associé avec un parti-pris technophobe que je ne partage pas. Ensuite, il ne se préoccupe absolument pas des forces sociales qui pourraient lui permettre d'avoir une réelle influence, il n'a d'ailleurs pas grand chose à dire sur les dégâts que pourrait entraîner une décroissance chez les couches défavorisées, ni sur les moyens de pallier ces effets. D'ailleurs, plusieurs de ses promoteurs reconnaissent souvent qu'il s'agit plus de lutter contre une idéologie de la croissance que de proposer réellement quelque chose. Cela me dérange terriblement, car s'il est bien sûr important de positionner contre un paradigme dominant, cela ne suffit absolument pas, il faut proposer un contre-modèle crédible.

Soyons clair: il est impératif que nous réduisions de façon continue un certain nombre de choses, parmi lesquelles l'utilisation de carburants fossiles, la production de déchets toxiques en tout genre, les pratiques agricoles non durables. D'ailleurs, si nous ne le faisons pas, nous connaîtrons alors une décroissance subie qui risque d'être fort désagréable. La question est donc: comment  réduire drastiquement notre empreinte sur l'environnement? et comment réorienter notre système économique afin que cette expansion qui se fait au détriment de la seule planète que nous ayons sous la main, cesse? Ceux qui pensent qu'on peut le faire en continuant de faire croître le PIB doivent nous montrer précisemment comment. Il me semble d'ailleurs que cela devrait faire partie du boulot des économistes.  Si on doit en passer par une réduction de l'activité il conviendrait de faire en sorte que cela ne traduise pas par une crise humanitaire à grande échelle. C'est là-dessus que devraient plancher les décroissants.
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L
<br /> Je n'ai pas compris de quel côté se situait l'auteur du dernier commentaire. J'ai noté son agressivité mais je n'ai pas compris contre qui....<br /> <br /> <br />
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S
PS: "les plus pauvres et les plus démunis" sont bien entendu les premiers bénéficiaires d'une politique de décroissance. <br /> <br /> Il vous faut absolument vous documentez davantage, vous parlez à l'évidence de ce que vous ne connaissez pas. Je vous fais donc une mini bibliographie conseillée:<br /> <br /> - Quand la misère chasse la pauvreté, Majid Rahnema (pour ce qui concerne la question des pauvres et des pays "sous-développés"<br /> <br /> - La convivialité, Ivan Illich<br /> <br /> - Le petit traité de la décroissance sereine, Serge Latouche<br /> <br /> - Le système technicien, ou le Bluff technologique, Jacques Ellul<br /> <br /> Etc, etc... Ceci constituera toujours un bon début et vous permettra au moins de savoir de quoi vous parlez.<br /> <br /> Cordialement.
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S
Il est impératif que tu te renseignes davantage sur ce qu'est "la décroissance".<br /> <br /> Et il est impératif que tu lises Illich et Ellul pour ce que tu appelles la "technophobie" et qui est, à l'évidence, le fruit d'une analyse pas assez réfléchie et documentée de ta part, et une vision caricaturale grotesque de la pensée des objecteurs de croissance concernant la technique. <br /> <br /> Cordialement.
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F
" Nous refusons la doctrine de la non-croissance, quels que soient les problèmes qui se posent aujourd'hui sur les ressources naturelles, parce que nous savons que l'absence de croissance pénalisera d'abord les plus pauvres, les plus démunis, c'est-à-dire ceux que nous voulons défendre. " F. Mitterrand.
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I
Salut, <br /> Il me semble que dans ton portrait du décroissant il manque quelque chose: une aspiration à d'autres idéaux que la réussite professionnelle, le consumérisme , la jouissance de biens matériels et les voyages de l'autre côté de la planète. Une tentative de retrouver son Soi et d'éliminer des médiateurs artificiels entre soi-même, les autres et la nature.<br /> Il me paraît impossible de parler des décroissants dans leur ensemble. Ce n'est pas une doctrine établie (même si certains le voudraient), c'est plutôt un outil que chacun utilise pour atteindre ses objectifs propres.<br /> En réduisant la décroissance à sa dimension économique ou en lui opposant des arguments économique on passe à côté de l'essentiel.<br /> De plus, je ne vois pas pourquoi les décroissants devraient se soucier des effets collatéraux de leurs actes, ou plutôt de leur non-actes, ils ne sont pas responsables de la situation actuelle, et personne n'a dit qu'on atteindra un prochain état d'équilibre sans perdre des plumes.<br /> Saluations à tous
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B
Oui, en effet, je n'ai pas abordé cet aspect. Si on considère la décroissance comme un choix de vie individuel, c'est franchement différent et il n'y a pas lieu de dénoncer ceux qui refusent de concommer sans limites au nom des dommages que cela ferait porter sur l'économie.En fait, je me suis surtout concentré sur la décroissance comme projet collectif parce que c'est à ce niveau qu'elle se présente comme solution à la crise environnementale.